samedi 14 mars 2020

Chroniques du Pays des Mères - Elisabeth Vonarburg

Chaudement recommandée par plusieurs amies lectrices, j'ai cédé et me suis acheté cette nouvelle édition de Chroniques du Pays des Mères, parue chez Mnémos en novembre 2019. Et j'ai bien fait de ne pas tarder à me lancer dans cette lecture...

Verte, Rouge, Bleue


Le Pays des Mères est une société qui s'est construite quelques centaines d'années après le Déclin de notre époque actuelle suite à une catastrophe climatique. La particularité de ce monde est que les filles y naissent en bien plus grand nombre que les garçons. On découvre le fonctionnement de cette société matriarcale à travers les yeux de Lisbeï, que l'on suit depuis son enfance dans les garderies de Béthély, jusqu'à sa vie adulte d'exploratrice. Elle nous raconte, par le biais d'extraits de son journal, les différents stades de la vie d'une femme au Pays des Mères : d'abord Verte jusqu'à l'âge de 13 ans environ, puis Rouge lorsqu'elle est en âge de procréer, et enfin Bleue lorsqu'elle n'en est plus capable. Sauf que Lisbeï ne deviendra jamais Rouge, ce qui la déviera de son destin initial de future Mère de Béthély et la poussera à explorer le Pays des Mères comme elle n'aurait jamais pu le faire sinon.

Le récit rend compte de l'évolution de la maturité de Lisbeï, avec des questionnements d'enfants naïfs au début : pourquoi y a-t-il moins de garçons que de filles ? comment naissent les bébés ?... à des remises en question bien plus profondes par la suite : l'union d'un homme et d'une femme par choix est-elle possible ? un homme peut-il éprouver le désir d'élever ses enfants ? les hommes sont-ils égaux aux femmes ?... Dans cette société gouvernée par les femmes, la minorité d'hommes est reléguée au second plan, et même victimes de discriminations, et ne servent qu'à la reproduction de l'espèce, qui s'effectue par insémination artificielle systématique de toutes les femmes en âge de procréer.

En évitant la case Rouge qui l'aurait contrainte à procréer enfant après enfant, Lisbeï peut se consacrer à sa quête de savoirs et de vérités. Elle quitte sa Béthély natale pour suivre une formation d'exploratrice et rencontre des personnes de régions et de cultures différentes. Tout au long de ses pérégrinations, le lecteur accompagne Lisbeï dans les étapes du questionnement, de la remise en question et de la prise de conscience. Elle découvrira ainsi que toutes les vérités ne sont pas faciles affronter et à dire, surtout lorsqu'elle remet en cause la Parole, fondement des croyances religieuses, mais aussi lorsqu'elles vont simplement à l'encontre des mœurs de la société.

Je, tu, elle, nous, vous, elles


Un aspect du texte que j'aimerais souligner : le matriarcat est ancré jusque dans le langage. Ainsi, le pronom par défaut est le féminin, et certains noms communs se sont naturellement féminisés, tels qu'une bébé, une enfante, une animale, l'hiverne ou la printane... Et de manière logique, le féminin l'emporte au pluriel, puisque cela correspond à la réalité numérique. Le pronom neutre est une élégante contraction des deux genres, Elli, qui représente aussi la divinité dans la religion du Pays des Mères, ainsi dit-on "Elli pleut". A noter que ce roman a été écrit en langue française, ce qui rend, à mon sens, ces adaptations de la langue tout à fait fluides, et non forcées.

***
Chroniques du Pays des Mères est un roman riche et profond, qui pousse à la réflexion sur de nombreux sujets, non seulement sur les relations entre hommes et femmes, mais aussi sur bien d'autres thèmes, tels que les bases des croyances, le poids des traditions, l'importance du langage, ou la parentalité. La dernière partie du roman remet en perspective le reste du récit, et me laisse penser qu'une seconde lecture serait bienvenue (mais je me laisserai certainement tenter par Le Silence de la cité d'abord...). En tous cas, on ne sort pas tout à fait intacte de cette lecture (de manière anecdotique, la féminisation de la langue est une chose qui me revient fréquemment à l'esprit...) et je ne peux à mon tour que la conseiller !

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Chroniques du Pays des Mères
Elisabeth Vonarburg, 1992
Mnémos, Novembre 2019
485 pages

12 commentaires:

  1. Haaaaa hiii trop bien !!! You did it !!!

    Ce livre a l'air terriblement bien. J'ai lu Le silence de la cité il y a très longtemps j'étais un peu passée à côté. Tu me donnes envie de l'extraire de la pile à lire.

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    1. Ouiiii ! ^^ et je ne suis pas peu fière :D
      Je ne sais pas si ça va me donner un nouvel élan... j'espère que ça m'aura un peu débloquée (en fait je réalise que je n'y avais plus touché depuis que je suis rentrée de Belgique !!...)

      Je pense que ce livre a vraiment toutes les chances de te plaire, tu devrais te laisser tenter !! En plus tu l'as déjà dans la pile, t'as plus qu'à tendre la main ;-)

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  2. Super la chronique des Chroniques!
    Complètement d'accord, ce livre est génial, une vraie révélation! J'ai adoré la subtilité et la profondeur de l'histoire.
    J'ai bien aimé aussi l'univers post-post-apocalyptique, en mode on repart de zéro :)
    C'est vrai que ça donne envie de le relire!

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    1. Héhé j'avais bien fait de te l'offrir avant même de l'avoir lu ^^
      Oui une deuxième lecture devrait être intéressante !

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  3. Ajouté à ma PAL, j'ai vraiment hâte de le lire tant les retours (dont maintenant le tien) des blogopotines est bon.

    Un bel avis convaincant en tout cas. Merci!

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    1. Yes ! Bonne lecture alors :)
      Merci d'être passée par ici !

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  4. Plus qu'à lire Le silence de la cité maintenant, ravie que tu aies aimé, c'est vraiment un superbe livre !

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    1. Oui, y a plus qu'à ! surtout qu'une amie bienveillante me l'a déjà prêté :) (poke Frakass Le Chat)

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  5. Bien revenue en ligne! :)
    Bon, je note ce bouquin, alors. Tu donnes très envie.

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  6. Un très beau livre, voir toutes ces chroniques me donne envie de le relire.
    Et je peux te confirmer que faire Chroniques du PdM > Silence de la Cité > Chroniques du PdM est un excellent parcours (et c'est typique d'Elisabeth Vonarburg, on a souvent envie de relire ses livres à rebours)

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    1. Merci, c'est bon à savoir pour l'ordre de lecture ! Faudrait pas trop que je traîne pour Le Silence de la Cité, si j'attends trop, il risque de descendre dans la pile à lire (je me connais...)

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